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Le Sbire de Manille (6)

By   /   21 février 2011  /   No Comments

Les semaines suivantes pour Le Sbire furent un peu l’équivalent du métro-boulot-dodo pour un cadre. Remise de la liste des magasins à racketter le matin, tournée des commerçants jusqu’à midi, puis l’après midi passée à apprendre aux nouvelles recrues dans quel sens il fallait qu’elles tiennent leurs flingues. Le Sbire s’ennuyait tellement qu’il avait envie d’hurler. La seule chose qui le retenait dans le coin, outre la paye hebdomadaire, c’était ce moment quotidien, exactement à 13h07, quand la jeune Christine sortait de sa chambre et descendait dans le salon pour sa leçon de piano. Comme elle ne dînait pas avec les autres, c’était le seul moment où Le Sbire pouvait contempler ses yeux brillants comme des agates et sa bouche magnifique. Une fois, elle lui avait même parlé ! Pour lui demander de se pousser parce qu’il était en travers de la porte ! Le Sbire éprouvait une sensation totalement inconnue : la timidité.
 »La belle Christine peuplait les rêves du Sbire »

Les semaines suivantes pour Le Sbire furent un peu l’équivalent du métro-boulot-dodo pour un cadre. Remise de la liste des magasins à racketter le matin, tournée des commerçants jusqu’à midi, puis l’après midi passée à apprendre aux nouvelles recrues dans quel sens il fallait qu’elles tiennent leurs flingues. Le Sbire s’ennuyait tellement qu’il avait envie d’hurler. La seule chose qui le retenait dans le coin, outre la paye hebdomadaire, c’était ce moment quotidien, exactement à 13h07, quand la jeune Christine sortait de sa chambre et descendait dans le salon pour sa leçon de piano. Comme elle ne dînait pas avec les autres, c’était le seul moment où Le Sbire pouvait contempler ses yeux brillants comme des agates et sa bouche magnifique. Une fois, elle lui avait même parlé ! Pour lui demander de se pousser parce qu’il était en travers de la porte ! Le Sbire éprouvait une sensation totalement inconnue : la timidité.
 »La belle Christine peuplait les rêves du Sbire »

Le Sbire aurait pu s’accommoder de cet état des chose s’il n’y avait eu Nick à supporter à longueur de temps. Chaque fois qu’un groupe d’homme de main s’installait près du mini-bar de la demeure après une rude journée d’extorsions, on voyait invariablement apparaître Nick qui s’empressait de se joindre au groupe avec force tapes dans le dos et tournées générales (grands crus et alcools fins pour lui, bière tiédasse et gnôle frelatée pour le commun). Un jour que Nick se montrait encore plus insupportable qu’à l’accoutumée, Le Sbire se décida à lui rabattre le caquet : s’étant joint à une « amicale partie de poker » entre camarades qui ne lui avaient rien demandé, Nick avait le toupet de ne pas laisser gagner ses propres employés et leur ratissait consciencieusement leur maigre paye, le péon philippin moyen n’ayant aucune chance face à un faux-cul de ce calibre. Le Sbire s’approcha donc l’air de rien et proposa à Nick de se joindre à son groupe le lendemain, curieux de voir quelle excuse ce poltron allait trouver pour refuser. A sa grande surprise et pour son grand malheur, Nick avait accepté avec enthousiasme et Le Sbire avait passé toute la journée suivante à s’en mordre les doigts et à pester contre sa propre stupidité. Nick n’avait pas pu s’empêcher de faire constamment des remarques sans avoir l’air d’y toucher et était même allé jusqu’à prendre des notes à un moment, sans vouloir dire sur quoi.
 »Nick organisait aussi de petits spectacles de magie improvisés, au cours desquels sa gestuelle traduisait tout le respect qu’il avait pour ses hommes de main. » Avec un malaise grandissant, Le Sbire avait aussi croisé plusieurs autres sosies de Rodriguez, dans la rue, dans des magasins et même une fois au volant d’une voiture de police, ce qui lui avait valu un moment de panique, convaincu d’avoir été berné par un indic pendant tout ce temps. Après quelques quiproquos embarrassants, Le Sbire était devenu méfiant et n’adressait plus la parole à quiconque ressemblait même vaguement à son ami mort. Plus inquiétant encore, le phénomène se reproduisait avec d’autres personnes. Ainsi, il avait noté une ressemblance stupéfiante entre la femme de ménage du Parrain et une marchande de melons du marché, ou encore entre le vendeur de hot-dog ambulant opérant au coin de la rue et un barman en retard du paiement de son « assurance » à qui ses hommes et lui avaient rendu une petite visite. Par-dessus le marché, il n’y avait apparemment qu’une poignée de noms de famille aux Philippines : la population semblait se diviser entre Lopez, Rodriguez et Ramirez. Pour le moment, Le Sbire lui se sentait plutôt Aufrez et commençait à se poser des questions sur les mœurs de ce pays où l’on trouvait tant de quasi-jumeaux prétendument sans aucun lien de parenté entre eux. A son retour au QG, une double bonne surprise attendait Le Sbire. D’abord, Nick était remarquablement absent. Ensuite, le Parrain avait une tâche inhabituelle pour lui : accompagner sa fille à déjeuner. Marlowe craignait en effet que sa petite  »flora » ne s’ennuie ou pire, ne se mette à fréquenter les mauvais garçons. Il ne voyait aucune ironie dans la perspective de confier sa fille au Sbire pour la préserver des mauvaises fréquentations et, bizarrement, Le Sbire ne la voyait pas non plus. En prévision de l’événement, Le Sbire accomplit des actes de toilette qu’il avait fort négligé ces dernière semaines, redonnant du volume à sa mullet défraîchie et passant de nombreuses minutes devant la glace à peigner sa moustache jusqu’à la perfection.
 »Le Sbire était décide à jouer à fond la carte de la séduction. »

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