Décidément, le marché de la vidéo ne finira pas de nous surprendre. Vous connaissez peut-être déjà « Dragon Ball the Magic Begins », adaptation live du manga d’Akira Toriyama bricolée en 1989 entre Taïwan et les Philippines.
Chroniqué depuis plusieurs années sur votre site sûrement préféré, ce film à petit budget constituait la seule adaptation avec décors et personnages réels de l’univers Dragonball, jusqu’à la catastrophique adaptation sortie en 2009, « Dragonball Evolution ».
Nantie d’un budget de 45 millions de dollars, cette co-production entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni et Hong-Kong, avec le fadasse Justin Chatwin et un Chow Yun-Fat pathétique, en aura dépité plus d’un. Aussi mauvais soit-il, ce film aura eu comme conséquence étrange une ressortie du « Dragon Ball the Magic Begins » qui nous intéresse ici, dans une surprenante édition DVD « enhanced » à la George Lucas visant sans doute à tromper le badaud moyen de supermarché.
Une fois n’est pas coutume, les margoulins ne se sont pas contentés de refourguer leur verroterie de 1989 dans un nouvel écrin, comme l’auraient fait les cancres d’Initial 20 ans plus tôt. Certes, le packaging a été retravaillé, mais en plus du contenant, le contenu a lui aussi subi un coup de lifting !
Avant…
…et après. La différence saute aux yeux !
Magie de la post-production à pas cher, les effets spéciaux ont en effet été repris vite fait mal fait à grands coups de bistouri, de collagène et de botox numériques. On vous laisse juger du résultat :
Avant…
…après.
Avant…
…après.
Avant…
…après. Alors, il est pas beau mon dragon numérique ? Si ça vous branche, je fais aussi dans la rhinoplastie et les implants mammaires sous Photoshop.
Une question dès lors se pose : laquelle de ces deux versions et la pire ? Celle d’origine, avec ses effets spéciaux bricolés, voire peints à même la pellicule, ou bien cette version 2.0 barbouillée de pixels par un stagiaire sous-payé ? L’explosion d’une maquette ou la chute d’un monstre en caoutchouc distillent-elles le même charme artisanal que de froids effets spéciaux digitaux, même bâclés ? Tout dépend évidemment des goûts des uns et des autres.
Une chauve-souris nanar, époque Mitterrand…
…la même, époque Sarkozy.
Le must, c’est peut-être encore ces plans où s’opère une belle osmose entre le pire des effets spéciaux 80′s et le pire de ceux des années 2000. A la réflexion, cette pratique nous évoque l’époque où, pour les moderniser, on s’employait à coloriser après coup des films en noir et blanc, gâchant souvent une photographie somptueuse en la badigeonnant de couleurs acides et baveuses. En voulant rajeunir ces films en noir et blanc, comme « La vache et le prisonnier », on leur donnait en fait un sacré coup de vieux. Il ne serait pas étonnant que l’ajout hâtif d’effets spéciaux numériques produise ici le même effet.
Une belle incrustation, où on reconnaît le grain pellicule du méchant cyborg et l’image de synthèse bien lisse. L’oeuvre bicéphale de deux tâcherons à 20 ans d’intervalle.
On se prend en tout cas à imaginer, un peu rêveurs, ce que pourraient donner à l’avenir des versions redux de films comme « Les Rats de Manhattan » (avec des millions de rats numériques géants ajoutés en incrustation, sans doute ce qu’aurait voulu Nono Mattei), « L'Incroyable Homme Puma » (on remplace l’acteur principal par Chuck Norris), « Les Nouveaux barbares » (qu’on retitrera pour l’occasion « Les Nouveaux Nouveaux Barbares »), les films de ninjas de Godfrey Ho (avec l’ajout d’explosions de bombinettes à fumée numérique, et des incrustations aléatoires de Richard Harrison un plan sur deux), et bien entendu « Devil Story – Ultimate Redux » que Sheep Tapes prépare dans le plus grand secret avec Bernard Launois (avec un vieux chasseur armé non plus d’un simple fusil mais de trois bazookas et de grenades au phosphore, faisant face à 12 chevaux du diable, 24 chats noirs, 88 monstres nazis, 3000 momies, et entouré d’héroïnes en ciré jaune qui le suivent partout en pleurnichant « aidez-moi monsieur, s’il vous plaîîît… » On parle aussi d’une nouvelle bande-son orientée extreme noisecore confiée aux bons soins de DJ Gaystaporn).
Comme « Apocalypse Now », « Dragon Ball the Magic Begins » a maintenant sa version redux. Un plus absolument, euh… indéniable : ce nuage magique qui sourit façon Super Mario Bros.
Plus sérieusement, l’artiste Julien Prévieux s’était ainsi amusé en 2004 à re-truquer intégralement le James Bond « Le monde ne suffit pas », agrémentant le film d’effets spéciaux supplémentaires et volontairement ratés comprenant explosions, flammes, fumée, déferlantes d’eau ou avalanches… Judicieusement intitulée « Post-Post-Production », son oeuvre saturée d’effets clinquants poussait la logique du blockbuster d’action jusqu’à l’absurde, selon l’adage « trop d’effets tue l’effet ». Hier, le recyclage au cinéma se limitait essentiellement aux costumes, accessoires et décors, parfois réutilisés dans différents films, puis aux stock-shots et aux deux-en-un. Désormais, tout morceau de pellicule est susceptible de devenir un palimpseste, et rendre de plus en plus ardu le travail de recherche du nanardeur. En effet, de même qu’il y a d’audacieux copiés-collés de jaquettes (certains illustrateurs empruntant des éléments d’une affiche et repeignant par dessus), nous aurons peut-être demain des productions turques ou indonésiennes truffées de stock-shots maquillés comme des voitures volées, à grands coups de pixels maladroits ! Je vous donne donc rendez-vous dans 20 ans, lorsque sera venue l’heure d’évoquer la prochaine version de « Dragon Ball the Magic Begins » qui devrait sortir vers 2030… (si ça se trouve, grâce à de nouvelles technologies qu’on ne peut même pas encore imaginer, le nuage magique portera cette fois des lunettes de soleil fluo et une chaîne en or)
Merci au forumer Tsan de nous avoir signalé cette édition !