C’est avec une certaine stupeur et une peine non feinte que nous avons appris le décès de Bruce Baron, personnage haut en couleur et digne représentant de ce cinéma excentrique que nous aimons tant. Dans nos esprits immatures, on se plaisait à penser que « seul un ninja pouvait tuer un ninja ». Pourtant Bruce nous a quitté le samedi 13 avril dernier, des suites d’une longue maladie – en l’occurrence une saloperie de cancer. Il avait 63 ans.
Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec ce personnage, nous vous invitons à lire la biographie que nous lui avions consacré, et surtout l’interview qu’il nous avait accordée en 2005. Dans cet entretien, le style inimitable de Bruce laissait deviner une personnalité assez unique : intelligence et lucidité extrêmes, cynisme ravageur, un humour à froid décapant, une grande honnêteté saupoudrée d’un zeste de mauvaise foi, un mépris profond pour la médiocrité, et surtout, surtout, un sacré caractère.
Pour nous au début, Bruce Baron, c’était juste un type moustachu qui jouait les ninjas dans des films archi-ringards. Mais avec les années, au fil des mails échangés, Bruce était devenu un peu plus que ça. Il nous racontait des anecdotes sur sa vie en Asie, des aventures qui n’avaient plus grand chose à voir avec le cinéma mais qui étaient à la fois stupéfiantes et à mourir de rire, et on en redemandait.
Comme tout le monde, Bruce a eu dans sa vie de bons et de mauvais moments. Les mauvais moments étaient vraiment mauvais. Arrivé à 10 ans en Asie, où son père s’est établi, il raconte qu’au début, il croyait que son nom chinois était « Diu Nei Lo Mo » (« Nique ta mère » en cantonnais) parce que tous les gamins l’appelaient comme ça. Quand il a eu 22 ans, son père a été retrouvé assassiné dans son bureau d’affaires, un crime qui ne sera jamais élucidé. Évidemment, tout ça, ça vous forge un caractère.
Bruce devant les ruines du temple de Sakkarah, en Egypte, pour le tournage du film « La Légende de la Perle d’Or ».
Bruce n’était pas du genre à s’apitoyer sur son sort. Quand il a appris que son cancer était incurable et qu’il était condamné, il a su conserver son humour jusqu’au bout en rédigeant sa propre oraison funèbre. Nous remercions sa veuve de nous avoir fait partager ce texte, et respectons sa volonté à elle de ne pas le publier. Comme elle le dit elle-même, « c’est du pur Bruce ».
Une cérémonie a eu lieu il y a deux semaines à Hawaï, où Bruce résidait depuis plusieurs années. Une partie de ses cendres ont été dispersées dans l’océan Pacifique. Une autre cérémonie aura lieu ce samedi 11 mai à Hong Kong, où le reste de ses cendres sera dispersé au large de Sai Kung. « One show, no matinee. Mugged at the stage door. » Adieu Bruce. Nous ne sommes peut-être pas les fans dont tu aurais rêvé, mais nous garderons ton souvenir bien vivant.
Rest in Peace !
On sent que vous êtes touchés, en effet il a l’air d’avoir eu une vie TRES particulière….
Ca fait un choc…
Au revoir ninja!
Adieu Bruce
Comme tout le monde ici, les rédacteurs ainsi que les lecteurs, je suis réellement triste de la disparition de ce grand Monsieur, quoique acteur d’envergure relative de si petits films…
Au-delà du choc dû à sa disparition, je crois que chacun d’entre nous aurait aimé vivre l’aventure cinématographique de Bruce Baron. Tourner avec les pires réalisateurs qui furent, jouer au Ninja dans les jardins publics, frimer aux côtés de Richard Harrison, incarner un descendant de l’Atlantide sous la caméra de Ruggero Deodato… En fait, j’aurais aimer être Bruce Baron le temps de ces aventures.
A l’instar de feu Jésus Franco, ce cinéaste poète/bâcleur, nous avons tous l’impression, sous le prisme du miroir déformant que sont le cinéma et sa promotion, que leurs vies étaient des existences aventureuses, qui suscitent le rêve bien au-delà de leurs médiocres films…
Voici donc le legs de Bruce Baron : une existence qui pousse à l’identification malgré ses nombreuses mises en garde et ses conseils pour le moins avisés.
D’ailleurs, grâce au travail d’excellence fourni par les rédacteurs de Nanarland, les carrières pour le moins atypique de Bruce Baron ou autre Jim Gaines pourraient fournir un sujet en or pour Quentin Tarentino !
J’avoue que je ne suis pas triste, un peu touché sans doute par la mort d’un acteur dont je n’ai vu aucun des films mais que vos chroniques -hilarantes quoique stylées- ont su évoquer sous des traits somme toute sympathiques et presque attendrissants. C’est aussi ce qui fait l’attrait de nanarland: le respect sous l’ironie, l’amour sincère d’un genre et des gens qui l’alimentent sous la moquerie.
Merci pour ça!