Tout au long des semaines qui viennent, chaque vendredi, retrouvez sous la plume de Drexl l’histoire à peine romancée d’un cinéaste hors norme… L’histoire de Jean-Marie Pallardy.
1971 – L’Insatisfaite
Un vieil homme fait un malaise. Son accorte infirmière se précipite pour le soigner, et se voit remerciée d’une tentative de viol. Une molle course-poursuite s’ensuit, soldée par la chute de l’infirmière d’une falaise. Le malsain patriarche file chercher de l’aide pour la décrocher de l’arbre où elle pend. Las, un mystérieux homme masqué s’immisce dans l’action et étrangle l’infortunée avec les branches de cet arbre maudit.
A la découverte du corps, notre violeur semi repenti se sent coupable, prend sur lui d’expier à sa façon : il mande son futur gendre et son frère en quête d’un relatif sosie de l’infirmière, à qui l’on ferait subir quelque chirurgie esthétique pour que le crédule village ne soupçonne pas l’homicide.
Ils jettent leur dévolu sur une prostituée qui, par amour pour le futur gendre, tait sa profession. Ses deux souteneurs (Jacques Insermini et Georges Guéret) se lancent à sa recherche ; au fil de pérégrinations sans queue ni tête, tout se réglera autour d’un bon gueuleton regroupant les frangins et les maquereaux.
Moralité : les bons bourgeois s’engoncent dans les perversions de leur rang, et les macs, tout salaces soient-ils, sont quand même de rudes bons gars. Ou quelque chose comme ça.
Foncièrement, le film n’a pas coûté grand-chose. La caméra, “empruntée“ à une boîte publicitaire pas franchement tatillonne sur son inventaire. La pellicule, récupérée dans les chutes d’une dizaine de sociétés de développement. Les décors, négociés directement avec des amis d’amis. Les acteurs, rétribués en gueuletons, pinard et parties de jambes en l’air très bon enfant. Le tournage, à la fraîche, une ambiance de colonie de vacance partouzarde que Jean-Marie et ses amis goûtent avec délectation.
Le montage s’opère à la truelle, les variations de format et de grain entre les différentes pellicules piquent les yeux, l’histoire ne tient pas debout mais qu’importe : Jean-Marie fait développer le film et s’en va le vendre à l’ancienne, en VRP auprès des exploitants. L’Insatisfaite n’impressionne pas vraiment son monde, mais le jeune réalisateur ne désespère pas. Il a enfin trouvé sa voie, il en est persuadé.
Jean-Marie tourne deux scènes avec des copines stripteaseuses, les incorpore à la diable dans son film, et retourne voir les exploitants les plus ouverts d’esprit. Ainsi remanié, L’Insatisfaite peut enfin trouver son public, peu regardant dès qu’il s’agit de chair exposée. Le retour sur investissement décidera pour lui : Jean-Marie Pallardy rejoint les rangs du cinéma érotique français. La solution lui vient en passant devant un cinéma de Barbès projetant le Frustration de José Bénazéraf : depuis le début de l’année, les films érotiques ont envahi les affiches parisiennes au point de se banaliser, voire d’entrer dans les mœurs de la France pompidolienne. Il suffirait de prendre le train en marche…
1972 – Dossier érotique d’un notaire
Deux jeunes filles en très petite tenue discutent gaiement de leur vie sexuelle. La plus jeune, Michelle, évoque sa liaison avec Evelyne, vante les mérites de l’amour au féminin et enjoint sa comparse à tenter l’expérience. Celle-ci, entièrement nue, lui dépose un baiser sur les lèvres et laisse échapper un mutin « Dommage que tu sois ma sœur ».
La fameuse Evelyne entretient également une liaison avec le notaire du village. Pour contrecarrer les rumeurs insistantes de partouzes organisées dans sa cave, celui-ci demande Evelyne en mariage. Au grand dam de Michelle qui, flanquée d’une perruque, provoque son aimée. Evelyne la fouette avec sa ceinture, pour son plus grand bonheur.
De digressions en tripotages divers, Michelle devient gênante pour le couple d’aspiration bourgeoise. Elle finira assassinée dans les bois, alors qu’à quelques mètres de là, Yvan, le personnage interprété par Pallardy, se promène avec son chien.
Lesbianisme, sadomasochisme… Jean-Marie va très loin, même dans cette délicieuse atmosphère de libération sexuelle ambiante. Mais ce n’est pas pour ça qu’une copie de son dernier film repose au 36 quai des Orfèvres.
Le 6 avril, le corps de Brigitte Dewère, 15 ans, est retrouvé dans un terrain vague de la commune de Bruay-en-Artois. Le notaire Pierre Leroy et sa maîtresse Monique Béghin-Mayeur, bien connus de la communauté pour leurs habitudes libertines, sont très vite suspectés et jetés à la vindicte du pays entier.
Un fait divers a priori banal, pas vraiment remarquable, à une notable différence près : pour la première fois en France, des antennes mobiles de télévision sont envoyées sur place et couvrent l’événement en direct. Les deux chaînes de l’ORTF sont mobilisées, les médias régionaux n’hésitent pas à verser dans la surenchère pour rivaliser avec l’imposant dispositif. L’affaire de Bruay-en-Artois marque une date clé dans l’histoire pourtant féconde du sensationnalisme à la française.
Le deuxième long-métrage de Jean-Marie Pallardy s’inspire ouvertement du drame, avec ce qu’il faut de licence poétique pour contenter les spectateurs coquins. Les avocats de Pierre Leroy, la tête déjà bien sous l’eau, entendent parler du film et lancent illico une procédure pour tenter de l’interdire – Dossier érotique d’un notaire est provisoirement retiré de l’affiche en attendant le jugement. Mieux : les baveux pensent tenir une preuve à charge, livrée clé en main, de l’acharnement intolérable dont leur client est victime.
Le film doit être projeté le 31 décembre au juge Henri Pascal, le magistrat de Béthune chargé de l’affaire. Le 30 au soir, Jean-Marie réalise l’un de ses plus beaux coups, à l’aide d’un duo de policiers très facilement corruptibles en nature. La veille, il a caviardé une copie de son film de toutes les mentions du mot “notaire“, quitte à hacher encore plus son montage chaotique ; au générique, l’œuvre se nomme désormais Erotisme à l’étude. Grâce à ses deux complices, Jean-Marie pénètre dans l’enceinte de la Préfecture de Police sans se faire remarquer, un exploit vu le sac suspicieux qu’il se trimbale sur le dos. Sans encombre, il remplace la copie de la salle des scellés par sa nouvelle version, et repart avec le sourire.
Le lendemain, Henri Pascal remerciera les avocats de lui avoir gâché son nouvel An. Erotisme à l’étude aura son petit succès en salles.
1973
Huit heures après l’avant-première de Turkish Delight, Rutger Hauer et Jean-Marie sont fins saouls, à deux doigts de se faire virer du rade d’Amsterdam qui héberge leurs agapes. Non, Rutger n’ira pas jouer dans l’un de ses films en France contre de la bonne bouffe et des belles filles. Non, il ne lui donnera pas le numéro de sa co-actrice Monique van de Ven : elle vient de se marier à Jan de Bont, un chef op’ super talentueux que PERSONNE n’a envie de se mettre à dos. Par contre, il pourra lui présenter d’autres actrices s’il l’accompagne à une autre avant-première, ce soir. Juste le temps de pioncer, dessaouler, et se faire beau.
Le film, Frank en Eva (Scènes de la vie amoureuse d’un couple en français), est beaucoup moins drôle que celui de la veille. Jean-Marie s’y emmerde poliment, non sans apprécier la plastique irréprochable de ses actrices. Avec Rutger comme sésame, pas besoin de boniment pour squatter la sauterie post-projection : tous les regards sont portés sur le jeune espoir frondeur du cinéma hollandais. Encore émues de la découverte de son anatomie dans Turkish Delight la veille au soir, les mondaines rougissent à sa vision.
Gonflés à bloc et en déni flagrant de gueule de bois, Rutger et Jean-Marie entreprennent gaillardement les deux actrices vedettes de la soirée, Sylvia Kristel et Willeke van Ammelroy. La première est une débutante timide, à des lieux de se douter que dans un an à peine, elle deviendra une star internationale avec le film Emmanuelle ; la seconde aligne déjà sept ans de métier, à la télévision puis au cinéma. Jean-Marie la fait rire aux éclats quand Sylvia n’ose que sourire, lovée dans les bras de Rutger.
Tout au long de la soirée, Willeke joue avec le Français, le rend fou de désir. Pour la première fois de sa vie, Jean-Marie n’a pas le dessus. Il n’est plus qu’un jouet, manipulé avec grâce par cette femme divine. Pour elle, il tempère ses instincts bestiaux. Avec elle, il fait l’amour.
Au premier sourire matinal, il est amoureux.
Merci d’avoir su rester discret au sujet des 15 orgasmes que j’ai offerts à Willike lors de notre première nuit d’amour.
JM
l’insatisfaite étant le premier film érotique que j’ai vue, je voudrais tant le revoir.
Je vous serais reconnaissant de me communiquer un site où je pourrais le télécharger.
Merci d’avance et salutations.
Je suis très intéresse par le film l’insatisfaite.
Merci de m’indiquer le site où je pourrais le télecharger gratuitement
Nous ne pouvons pas recommander de site de téléchargement gratuit qui nous mettraient dans l’illégalité, d’autant que le Chat qui fume qui a réédité les DVD est une petite maison très sympathique et que remasteriser ce genre de film n’est pas gratuit, nous sommes bien placé pour le savoir.
http://lechatquifumedvd.com